L'évènement à Roqueceziere

La Vierge descend de son Rocher

C’était vendredi dernier.
Il avait été décidé que la Vierge avait grand besoin d’une toilette approfondie. En effet, posée sur son rocher depuis la fin du 19° siècle les outrages du temps devenaient visibles même de loin. Je n’ai pas assisté à sa descente ce matin-là. Ce n’est qu’en fin de matinée, revenant vers le village et regardant le rocher que je constatai qu’elle n’y était plus. Un vide bizarre, seule restait la longue tige avec au bout son auréole servant de paratonnerre. Elle avait été descendue à l’aide d’une grue et seuls quelques initiés assistèrent à la scène. Elle était là, au pied du rocher. Une statue très belle, imposante et légère à la fois. Un beau drapé. Tout un chacun pouvait la regarder, la toucher, la voir autrement. Un serpent à ses pieds, se mordant la queue. Ce serpent qu’elle a vaincu par la douceur de sa puissance, par tout l’amour dont elle regorge. A présent elle est encore plus parmi nous. Je tourne autour d’elle, disons autour de toi. Le vent est fort et presque froid aujourd’hui en cette fin du mois de mai.

Une voiture arrive : c’est Denis qui rentre chez lui. Sa maison est nichée au pied du rocher. Nous bavardons, et bien sûr nous parlons de toi.

- Elle est belle notre Vierge, n’est-ce pas ?
- Incroyable, regardez, on voit même ses ongles !


Dans cette masse de métal , on distingue à l’extrémité de ses mains géantes des ongles parfaitement apparents.
Denis m’invite dans son jardin et de là je m’aperçois que se découpe un profil de la Vierge si fin inscrit dans un visage qui sort des feuillages, c’est une image inouie.
Je te regarde encore ; ce beau drapé recouvre une femme presque plantureuse, une paysanne de son temps. Un être de chair et d’esprit. Un être silencieux mais dont l’amour infini capte toutes nos paroles humaines.
L’étable est là toute proche, on sent le fumier, les veaux meuglent. Tout cela te rappelle ta jeunesse, ton accouchement unique dans l’histoire de l’humanité.
Tu resteras sur cette esplanade jusqu’au 15 août, le temps que l’on soigne tes plaies rouillées et que l’on te recouvre d’un nouveau manteau protecteur.
Alors, puisque tu es descendue parmi nous, que tu as déserté le rocher de César il me semble que peut-être tu veux nous dire quelque chose, que tu désires sentir au plus près l’air de notre époque. C’est un air mauvais, puisses tu le purifier. Tel le serpent que tu as subjugué à tes pieds, puisses tu aussi anéantir de ta Grâce tous ces démons qui affolent nos existences. Tu garderas le silence, ta mélodie de vérité seules les oreilles attentives peuvent la percevoir.

Beaucoup vont venir te voir de près, tu les verras aussi. Toi, habituée du haut de ton rocher à côtoyer les immensités et les beautés, tu ne pourras qu’être touchée par ces femmes et ces hommes dans un face à face provisoire et rare.

Noelle ( Roquecézière Juin 2011 )